bienvenue à tous,

Il me revient un vers de Renée Vivien ( ma poétesse favorite ),
« Quelqu’un
Dans l’avenir
Se souviendra
De nous… »
Cette strophe résume aisément le sujet d’ « histoirecenthistoires ».
L’intérêt porté, par nos contemporains, aux vedettes actuelles occulte
bien souvent le souvenir des célébrités d’autrefois.
Tranquillement, peu à peu, le temps et les hommes ont effacé leurs empreintes de nos mémoires.
Retrouver leurs traces, se souvenir d’elles, est la pensée de ce blog.
J’affectionne aller reconnaître les catacombes du passé, où dorment ces héroïnes et ces héros.
J’aime questionner les ruines des lieux où leurs cœurs battirent. Je m’émerveille de voir ces endroits abandonnés, pourtant magiques, se ranimer, au premier accent du rêve, et retrouver tout leur éclat ancien.
Je vous invite à partager avec moi, ces rêves, ces enchantements, par des textes, de la poésie, des images et des récits de voyages.
C’est à une « odyssée » que je vous convie.
Embarquons alors et voguons !
J .D.

jeudi 31 mars 2011

Alexandre Dumas est-il mort en 1832 ?

1832,  dans le Paris du roi Louis-Philippe, le général Lamarque est mort.  Soldat de la République, général d’empire, député libéral de gauche, notre homme a fait carrière.  C’est un symbole pour beaucoup d’opposants au pouvoir.
Aussi, le 5 juin, dans une atmosphère chargée d’électricité, ses funérailles donneront lieu à une insurrection populaire et républicaine.

Un certain Barthélémy avait chanté  pour le défunt :

« … oh je n’ai pas voulu, dans la ville muette
Que ton convoi passât sans un cri de poète
Puisse-t-elle calmer, dans les remparts des villes
Le terrible ouragan des tempêtes civiles »
(Extraits).

Pour le calme et l’ouragan il sera servi, le Barthélémy. 

Si le cortège dans un premier temps est escorté du recueillement populaire, la tempête ne tardera pas.
Nous avons, face à face, des jeunes républicains qui n’attendent qu’une occasion de renverser le régime et un gouvernement qui désire montrer sa force.  Ajoutons à cela, un emblème, un drapeau, une chaleur qui étouffe, un ciel couvert de gros nuages noir.
Le cocktail  est prêt.
 Agitez le tout et il ne manque plus qu’une étincelle pour provoquer l’explosion.
Qui a amorcé l’affaire ?  On ne sait, probablement les deux partis.
Le déchaînement  républicain  prend la forme d’une émeute qui se transforme rapidement en un soulèvement général.
Fusils, barricades, canons apparaissent  dans les rues de Paris.  C’est une vieille habitude dans cette ville.
 Alexandre Dumas, alors âgé de vingt-sept ans, ardent républicain, participe à la  bataille aux côtés des insurgés.  
Les combats contre les troupes loyalistes vont durer deux jours.  Lutte inégale, les républicains seront refoulés puis écrasés.
 On dénombrera huit cents morts dans cette désastreuse affaire. 

Quelques jours après ces événements, le bouillant Alexandre apprit par la presse  une bien singulière nouvelle. 
Du genre à vous inquiéter, surtout pour votre pension.

Le 9 juin, encore dans son lit,  il lut dans un journal royaliste, qu’il avait été pris les armes à la main, jugé par une cour militaire pendant la nuit, et fusillé à trois heures du matin.  La nouvelle avait un caractère officiel, elle venait d’une source sûre.
Le rédacteur de l’article, d’habitude hostile à Dumas, disait de lui, pour la première fois,  le plus grand bien.  Il était donc évident que ce brave garçon était complètement convaincu de la mort d’Alexandre. 
Notre écrivain eut un doute.  Était-il toujours vivant ?  Il se leva, courut  vers le premier miroir qu’il rencontra.
Il se reconnut devant la glace.  Le scoop ! Alexandre Dumas n’était point mort.

A cet instant, on sonna à sa porte.  Un messager apportait un courrier de Charles Nodier. Ce billet était libellé en ces termes :

 «   Mon cher Alexandre,
Je lis à l’instant, dans un journal, que vous avez été fusillé hier à trois heures du matin ; ayez la bonté de me faire savoir si cela vous empêchera de venir demain, à l’Arsenal, dîner avec Taylor ».

Devait-il venir à l’Arsenal avec son fusil ?  L’histoire ne le dit pas.
J.D.

mercredi 30 mars 2011

une vengeance familiale

Belgique, Bruxelles,  dans l’église de Notre-Dame de la Chapelle existe un tableau.
Ce tableau, œuvre originellement du peintre Pierre-Paul Rubens, n’est plus qu’une copie.   L’original fut vendu au 18e siècle.  Cette peinture, qui représente Jésus offrant les clefs du paradis à Saint-Pierre, servit, au 17e siècle, de cadre à une petite vengeance familiale.

Remontons à l’origine de cette histoire.

En 1569, Meurt à Bruxelles, dans des circonstances mal définies, le grand peintre humaniste,  Pierre Breughel l’Ancien.  Il laisse une veuve et deux fils.  Les deux garçons seront peintres à leur tour.  Le plus célèbre sera Jean Breughel, dit de velours, ami intime et collaborateur de Rubens.

On enterre  Pierre Breughel dans l’église de Notre-Dame de la Chapelle.  Sa veuve Marie Coucke l’y rejoindra en 1578.

Dans cette paroisse, Jean Breughel va  élever un monument en souvenir de ses parents.  Rubens  lui donnera une toile, représentant le saint patron de son père.  Rubens estimait infiniment l’oeuvre de Breughel l’Ancien, il possédait treize compositions de celui-ci.

Les décennies passent.

L’année 1676.

Le peintre David Teniers III, dit le plus jeune, rénove le mémorial dédié à Pierre Breughel l’ancien par Jean Breughel.

Pourquoi ?

Enfant d’un premier mariage, le jeune David ne s’entend ni avec son père,  David Teniers II, peintre aussi célèbre pour ses productions que pour son mauvais caractère, ni avec sa belle-mère.  A cela s’ajoute une querelle d’héritage.  Le père veut dépouiller le fils de l’héritage de sa mère.  Une famille bien unie comme on le voit.

La maman du jeune David, s’appelait tout simplement Anne  Breughel, elle était la fille de Jean Breughel.  Ainsi par sa mère, le jeune David, descendait de Pierre Breughel l’Ancien.

En ranimant le souvenir de son aïeul, il montrait à son père, et par la même occasion à sa belle-mère (tant qu’à faire), qu’il était de la lignée des Breughel, lesquels en peinture, surpassaient les Teniers et surtout son père. Petite vengeance familiale, pas très méchante, mais le jeune David connaissait le caractère colérique de son père et savait que cela donnerait de la gaieté  à la maison. 

Souvent se cachent derrière les compositions artistiques de petites histoires ou des idées, qui les éclairent d’une autre lumière.  Ces faits humains, nous rapprochent de l’artiste et de son œuvre. Ces anecdotes, nous donnent l’envie d’aller voir plus loin, de regarder autrement ce qui s’offre à nos yeux.
Ces récits nous rendent vivace et l’artiste et son travail. Ce n’est plus une création artistique poussiéreuse que l’on découvre, mais la vie tout simplement.

«… voici la maison du poète
Où la mort se tait, où le deuil n’entre pas… »
 (Renée Vivien – extrait.)
  J.D



Traduction de l’inscription latine figurant sur le mémorial :

« A Pierre Breughel, peintre dont l'art fut tel par son exactitude et  sa beauté que la nature elle-même, mère de toutes les choses, le loue, que les plus grands artistes en sont étonnés et que ses émules l'imitent en vain.  Ce monument est aussi  dédié à sa  femme Marie Coucke. Jean Breughel l'a élevé avec amour pieux à ses excellents parents.  Il (P.Breughel) mourut en 1569, elle (M.Coucke) en 1578.  David Teniers, le plus jeune des descendants l'a rénové en 1676. »

Rubens le Christ

lundi 28 mars 2011

Balade lyrique.

France, automne 2005, vallée du Loir, entre champs et bois.  Une vieille maison en pierre,  au toit d’ardoises. Fenêtres à meneaux, petite porte d’entrée surmontée d’une inscription latine presque effacée. Un rez-de-chaussée où se dresse une grande cheminée et quelques meubles poussiéreux.  Un étroit escalier qui aboutit à l’étage dénudé  Un grenier, faiblement éclairé,  auquel on accède par une échelle.  Dans ce grenier,  une malle ancienne.  Dans celle-ci, des livres patinés par les saisons et, des feuilles orphelines qui ont gardé le souvenir des chants de rêveurs de jadis.
J’ai gardé quelques unes de ces pages jaunies.  En voici une, elle est de Josephin Soulary, né l’année de la bataille de Waterloo. Bibliothécaire à Lyon, il fut célèbre pour ses sonnets humoristiques publiés en 1858.  Certains le considèrent comme un précurseur du Parnasse. Il est retourné chez les muses en 1891.
LES DEUX  CORTEGES .
Deux cortèges se sont rencontrés à l’église.
L’un est morne : - il conduit le cercueil d’un enfant ;
Une femme le suit, presque folle, étouffant,
Dans sa poitrine en feu, le sanglot qui la brise.

L’autre, c’est un baptême : - au bras qui le défend
Un nourrisson gazouille une note indécise ;
Sa mère, lui tendant le doux sein qu’il épuise,
L’embrasse tout entier d’un regard triomphant !

On baptise, on absout, et le temple se vide.
Les deux femmes alors, se croisant sous l’abside,
Echangent un coup d’œil aussitôt détourné ;

Et – merveilleux retour qu’inspire la prière –
La jeune mère pleure en regardant la bière,
La femme qui pleurait sourit au nouveau-né !

Les deux Sapho

Dans un guide touristique récent sur l’île grecque de Lesbos, on peut lire que « …Sappho est née à Eressos en 612 av. JC…  Des troubles politiques la conduisirent … en Sicile. Après quelques années elle revint à Lesbos… à Lesbos, on frappa des monnaies à son effigie avec l’inscription : SAPPHO DE LESBOS… ».  Dans un autre on écrit : «… Selon Sonidas, Sappho est née à Eressos alors que d’autres prétendent qu’elle est née en 612 avant JC à Mytilini… ».  Les deux guides ne parlent ni de l’amour de Sapho pour Phaon ni de son suicide à Leucade. Bien qu’une illustration de sa mort figure dans l’une des deux publications.

Alors, Eressos, Mytilène ou les deux ?

Voyons les faits :

Suivant Suidas, Sapho vint au monde en -612, jusque là tout le monde est d’accord. Des marbres antiques nous donnent même la date de son exil à Syracuse (-596).
Hérodote, quelqu’un de sérieux, né vers -484, donne des détails sur la vie de Sapho, mais ne parle pas ni de Phaon ni de Leucade. 
Hermesianax, qui a écrit une élégie sur les « désordres » des poètes célèbres et en particulier sur ceux de Sapho, ne dit mot de Phaon et du saut fatal.  Strabon, élogieux envers Sapho, est silencieux sur sa fin funeste.  Le premier à avoir parlé du saut de Leucade est Ménandre, un vrai comique celui-là et pas misogyne pour un euro. Il faut l’entendre parler des femmes : « une femme honnête doit rester chez elle, la rue est pour la femme de rien » ou encore «  de toutes les bêtes sur terre et sur mer qui existent, la plus méchante bête est la femme ». Qu’est-ce que cela doit être quand il parle de la belle-mère. Ce personnage vivait à la fin du quatrième et au début du troisième siècle avant JC.
Aurait-il eu des informations que ne possédaient pas ces prédécesseurs ?
Pas du tout, les siècles ont avancé et, entre-temps,  une autre femme prénommée Sapho est née à Lesbos.
Nymphis, d’Aelien, Suidas, reconnaissent effectivement deux Sapho.  Athenée ajoute, qu’outre la Sapho de Mytilène, il y en avait une à Eressos.
Ainsi s’explique, le mutisme d’Hérodote et des autres sur Phaon et la mort tragique de la poétesse. Ils ne pouvaient en parler, puisque ces faits ne concernaient pas la poétesse de Mytilène , et que la Sapho de Ménandre, n’était pas encore née. 


Deux femmes du nom de Sapho, toutes deux renommées, ont donc vécu à Lesbos. L’une vint au monde à Mytilène en -612, l’autre naquit à Eressos, quelques siècles après, on ne sait pas bien la date.  La première était la célèbre poétesse,  la seconde fut « une de ces belles de grand renom », qui dut, sans doute, sa célébrité à ses sentiments pour Phaon et à la tragédie de Leucade.

Comment de ces deux femmes on n’en fit qu’une :

La poétesse, bannie de Mytilène, émigra en Sicile (chronique de Paros).  Longtemps après, dans la même île grecque (eh oui), la Sapho d’Eressos poursuivit Phaon qui fuyait sa passion plus que dévorante. En quatre mots, elle harcelait son amant.
Ce point de ressemblance, outre celui de l’homonymie et de la patrie commune (l’île de Lesbos), est peut-être la cause de la confusion où sont tombés les auteurs anciens.   
Ils attribuèrent à la première tout ce qui concernait la seconde. Ils confondirent jusqu’aux époques différentes où elles vécurent. Ils mélangèrent encore les lieux de naissance des deux Sapho. C’est dans ces erreurs, qu’est probablement tombé l’auteur de l’art d’aimer. 
Ovide accumula dans son héroïde, les talents poétiques de l’une et les aventures et infortunes de l’autre. 
Cet imbroglio historique avait, pour avantage d’enrichir et d’embellir son œuvre. Ovide était poète, ne l’oublions pas.
Que ne pardonne-t-on pas aux poètes.
Ainsi, Ovide et quelques écrivains anciens, en paraissant connaître qu’une seule Sapho ont causé la méprise actuelle.

J.D.

RM : Athanase Paraskévaïdes, poète, écrivain, sculpteur, que j’ai eu la chance de rencontrer, savait que la grande poétesse était de Mytilène. Il a, un jour, sous le beau ciel de cette cité, fait ériger la statue de Sapho, que l’on voit aujourd’hui.
Je lui rends hommage avec ces quelques mots.


le suicide de Sapho

jeudi 24 mars 2011

statue de Sapho à Mytilène.


 Quoique muette, je réponds
A qui m’interroge, ô vierges, je réponds
D’une voix de pierre à l’accent  inlassable :
« mon éternité, sous les astres profonds
M’attriste et m’accable…
sereine je vois ce qui change et qui fuit…
Je suis l’immortel souvenir.
 ( inscription à la base d’une statue – Renée Vivien - extraits. ) 

mercredi 23 mars 2011

Sapho

De la plus grande poétesse de l’antiquité, il reste peu et beaucoup : quelques fragments des neuf livres connus, sauvés de l’autodafé par des grammairiens, quelques  papyrus égyptiens, et une réputation à la fois de sagesse :
« la beauté
Ne dure pas
Plus que
Le temps
Du regard

Mais le bien
Quand on le voit
Reste le bien
à jamais »
«  loin de moi
L’idée d’atteindre
Le ciel
Qui passe
Nos mesures »
« sans la vertu
L’argent n’est pas
Un invité
Recommandable »


et sulfureuse.
« Eros
Vient dénouer
À nouveau
Tout mon corps

Un trouble
Doux amer
Me pénètre

Et toi
Tu n’as pensé
Qu’à rejoindre
Andromède »




A  Lesbos, en ce temps-là, nous sommes à la frontière des VIIe et VIe siècle avant JC,   contrairement au reste de la Grèce, la femme n’est pas un objet que l’on garde enfermée dans le gynécée. A Mytilène,  elle reçoit une éducation libérale et raffinée.

Sapho, on l’écrit avec un P ou deux, ou encore comme Renée Vivien,  Psappha.  Sapho, disais-je, animait une école pour jeunes filles de l’aristocratie. Elle leur enseignait la musique, la danse, la poésie, les bonnes manières.   Elles venaient, de partout, écouter Sapho.  Aux travers de ces arts, elle leur apprenait à être elles-mêmes, à se libérer de l’emprise du patriarcat et de la domination masculine.

«  quitte les ors
                                               quitte le toit de ton père
et libre,
Viens à moi… »
   
C’est sans doute son féminisme avant l’heure qui lui valut des siècles plus tard, au temps de Périclès, la calomnie des auteurs comiques et de certains politiciens.  Il était d’autant plus nécessaire de la dénigrer, que les femmes d’Athènes acceptaient  de moins en moins leur réclusion dans le sérail familial.  Sapho c’est le désordre.

« vous payez
De neufs bœufs
Le droit de
La garder

Ô maris
Qui régner
Sur les villes ! »

On la présenta alors,  comme une femme de mauvaise vie en proie à toutes les perversités.  Ainsi naquit, bien longtemps après sa mort, l’image souillée de cette grande poétesse, que les pères de l’église fixèrent définitivement.  Ses œuvres, avec d’autres oeuvres poétiques, furent brûlées publiquement, dans une belle cérémonie, à Constantinople et à Rome en 1073.     
 Bonjour Marie !

Et pourtant, son œuvre révèle une sensibilité toute humaine.  Pour  ses contemporains de Mytilène, c’était  une héroïne. Ils avaient, en son honneur, gravé son image sur leurs monnaies.  Aucune femme ne l'avait égalée pour la gloire poétique écrivit Strabon.  Platon l’appela la dixième muse. On  lit encore,  dans Cicéron,  qu'une statue de Sapho, exécutée en bronze,  existait dans le prytanée de Syracuse d'où,  un oublié de l’histoire l'enleva. Enfin, on raconte que le poète Alcée l’aima.
 






On ne connaît, malheureusement, pas assez de détails de sa vie pour juger.  Elle serait née, dans cette île de Lesbos, bénie par les Muses, en -612, dans une famille aristocratique de Mytilène.  Elle aurait eu 16 ans, lorsque des troubles civils la conduisirent, avec des membres du parti aristocratique, en Sicile.  Elle revint à Mytilène quelques années plus tard.  Et après la mort de son époux, consacra ses loisirs aux lettres dont elle entreprit d'inspirer le goût aux jeunes filles.   Plusieurs d'entre elles se mirent sous sa conduite et, des étrangères grossirent le nombre de ses disciples.  Elle les aima avec excès, parce qu'elle ne pouvait  aimer autrement.

« quand tu te tiens
Devant mes yeux
Ni Hermione
Ni Hélène
La blonde
Ne l’emportent
Sur toi… »
« la seule vue
De ta tunique
Ô ma belle
M’ensorcela »
« j’ai été
De toi éprise
Atthis
Depuis
Si longtemps »

 La chaleur de ses passions n'étaient que trop propres à servir la haine de quelques femmes, et de quelques unes de ses disciples qui n'étaient pas l'objet de ses préférences.  Cette haine éclata, elle y répondit par des vers ironiques qui achevèrent de les irriter.

«  les calomnies
Que les grands vents
Les emportent… »

« de toi,
Gisante, morte,
Ne restera
Nul souvenir !
Personne
Ne te regrettera,                                                                  
Toi qui ne cueilles
Jamais les roses
Des monts … »

On la persécuta ensuite,  le crime se préparait.

Si les accusations sur « sa conduite » ne sont pas fondées, l'extrême sensibilité de Sapho fit que ses liaisons les plus innocentes empruntèrent souvent le langage de l'amour et de la passion. Ce qui n’est pas exceptionnel pour l’époque.  Il faut lire dans les dialogues de Platon,  en quels termes Socrate  parle de la beauté de ses élèves. Et, cependant Platon savait mieux que personne combien les intentions de son maître étaient chastes.  Ceci prouve que les grandes rumeurs malveillantes, suffisent pour flétrir la réputation d'une personne, surtout si celle-ci est exposée aux regards du public et de la postérité.

Ame sensible, harmonieuse, sincère,  sa poésie brille  dans le choix de ses mots, toujours clairs et précis, ils font mouche.  Elle brille par son style, un heureux mélange d’ombres et de lumières, qui fait que, ses vers coulent avec de la grâce et de la légèreté.  Elle brille dans ses rythmes, qui pour la plupart furent créés par elle.  Enfin encore, elle enrichit la langue d’heureuses expressions.

Sa mort , le temps, plus de deux mille cinq cents ans déjà, le changement des mœurs, n'ont pas encore effacé la calomnie, imprimée par la jalousie et la phallocratie  « sur sa conduite » ;  le sera-t-elle un jour ?

JD

A suivre :   Les deux Sapho.