bienvenue à tous,

Il me revient un vers de Renée Vivien ( ma poétesse favorite ),
« Quelqu’un
Dans l’avenir
Se souviendra
De nous… »
Cette strophe résume aisément le sujet d’ « histoirecenthistoires ».
L’intérêt porté, par nos contemporains, aux vedettes actuelles occulte
bien souvent le souvenir des célébrités d’autrefois.
Tranquillement, peu à peu, le temps et les hommes ont effacé leurs empreintes de nos mémoires.
Retrouver leurs traces, se souvenir d’elles, est la pensée de ce blog.
J’affectionne aller reconnaître les catacombes du passé, où dorment ces héroïnes et ces héros.
J’aime questionner les ruines des lieux où leurs cœurs battirent. Je m’émerveille de voir ces endroits abandonnés, pourtant magiques, se ranimer, au premier accent du rêve, et retrouver tout leur éclat ancien.
Je vous invite à partager avec moi, ces rêves, ces enchantements, par des textes, de la poésie, des images et des récits de voyages.
C’est à une « odyssée » que je vous convie.
Embarquons alors et voguons !
J .D.

mercredi 23 mars 2011

Sapho

De la plus grande poétesse de l’antiquité, il reste peu et beaucoup : quelques fragments des neuf livres connus, sauvés de l’autodafé par des grammairiens, quelques  papyrus égyptiens, et une réputation à la fois de sagesse :
« la beauté
Ne dure pas
Plus que
Le temps
Du regard

Mais le bien
Quand on le voit
Reste le bien
à jamais »
«  loin de moi
L’idée d’atteindre
Le ciel
Qui passe
Nos mesures »
« sans la vertu
L’argent n’est pas
Un invité
Recommandable »


et sulfureuse.
« Eros
Vient dénouer
À nouveau
Tout mon corps

Un trouble
Doux amer
Me pénètre

Et toi
Tu n’as pensé
Qu’à rejoindre
Andromède »




A  Lesbos, en ce temps-là, nous sommes à la frontière des VIIe et VIe siècle avant JC,   contrairement au reste de la Grèce, la femme n’est pas un objet que l’on garde enfermée dans le gynécée. A Mytilène,  elle reçoit une éducation libérale et raffinée.

Sapho, on l’écrit avec un P ou deux, ou encore comme Renée Vivien,  Psappha.  Sapho, disais-je, animait une école pour jeunes filles de l’aristocratie. Elle leur enseignait la musique, la danse, la poésie, les bonnes manières.   Elles venaient, de partout, écouter Sapho.  Aux travers de ces arts, elle leur apprenait à être elles-mêmes, à se libérer de l’emprise du patriarcat et de la domination masculine.

«  quitte les ors
                                               quitte le toit de ton père
et libre,
Viens à moi… »
   
C’est sans doute son féminisme avant l’heure qui lui valut des siècles plus tard, au temps de Périclès, la calomnie des auteurs comiques et de certains politiciens.  Il était d’autant plus nécessaire de la dénigrer, que les femmes d’Athènes acceptaient  de moins en moins leur réclusion dans le sérail familial.  Sapho c’est le désordre.

« vous payez
De neufs bœufs
Le droit de
La garder

Ô maris
Qui régner
Sur les villes ! »

On la présenta alors,  comme une femme de mauvaise vie en proie à toutes les perversités.  Ainsi naquit, bien longtemps après sa mort, l’image souillée de cette grande poétesse, que les pères de l’église fixèrent définitivement.  Ses œuvres, avec d’autres oeuvres poétiques, furent brûlées publiquement, dans une belle cérémonie, à Constantinople et à Rome en 1073.     
 Bonjour Marie !

Et pourtant, son œuvre révèle une sensibilité toute humaine.  Pour  ses contemporains de Mytilène, c’était  une héroïne. Ils avaient, en son honneur, gravé son image sur leurs monnaies.  Aucune femme ne l'avait égalée pour la gloire poétique écrivit Strabon.  Platon l’appela la dixième muse. On  lit encore,  dans Cicéron,  qu'une statue de Sapho, exécutée en bronze,  existait dans le prytanée de Syracuse d'où,  un oublié de l’histoire l'enleva. Enfin, on raconte que le poète Alcée l’aima.
 






On ne connaît, malheureusement, pas assez de détails de sa vie pour juger.  Elle serait née, dans cette île de Lesbos, bénie par les Muses, en -612, dans une famille aristocratique de Mytilène.  Elle aurait eu 16 ans, lorsque des troubles civils la conduisirent, avec des membres du parti aristocratique, en Sicile.  Elle revint à Mytilène quelques années plus tard.  Et après la mort de son époux, consacra ses loisirs aux lettres dont elle entreprit d'inspirer le goût aux jeunes filles.   Plusieurs d'entre elles se mirent sous sa conduite et, des étrangères grossirent le nombre de ses disciples.  Elle les aima avec excès, parce qu'elle ne pouvait  aimer autrement.

« quand tu te tiens
Devant mes yeux
Ni Hermione
Ni Hélène
La blonde
Ne l’emportent
Sur toi… »
« la seule vue
De ta tunique
Ô ma belle
M’ensorcela »
« j’ai été
De toi éprise
Atthis
Depuis
Si longtemps »

 La chaleur de ses passions n'étaient que trop propres à servir la haine de quelques femmes, et de quelques unes de ses disciples qui n'étaient pas l'objet de ses préférences.  Cette haine éclata, elle y répondit par des vers ironiques qui achevèrent de les irriter.

«  les calomnies
Que les grands vents
Les emportent… »

« de toi,
Gisante, morte,
Ne restera
Nul souvenir !
Personne
Ne te regrettera,                                                                  
Toi qui ne cueilles
Jamais les roses
Des monts … »

On la persécuta ensuite,  le crime se préparait.

Si les accusations sur « sa conduite » ne sont pas fondées, l'extrême sensibilité de Sapho fit que ses liaisons les plus innocentes empruntèrent souvent le langage de l'amour et de la passion. Ce qui n’est pas exceptionnel pour l’époque.  Il faut lire dans les dialogues de Platon,  en quels termes Socrate  parle de la beauté de ses élèves. Et, cependant Platon savait mieux que personne combien les intentions de son maître étaient chastes.  Ceci prouve que les grandes rumeurs malveillantes, suffisent pour flétrir la réputation d'une personne, surtout si celle-ci est exposée aux regards du public et de la postérité.

Ame sensible, harmonieuse, sincère,  sa poésie brille  dans le choix de ses mots, toujours clairs et précis, ils font mouche.  Elle brille par son style, un heureux mélange d’ombres et de lumières, qui fait que, ses vers coulent avec de la grâce et de la légèreté.  Elle brille dans ses rythmes, qui pour la plupart furent créés par elle.  Enfin encore, elle enrichit la langue d’heureuses expressions.

Sa mort , le temps, plus de deux mille cinq cents ans déjà, le changement des mœurs, n'ont pas encore effacé la calomnie, imprimée par la jalousie et la phallocratie  « sur sa conduite » ;  le sera-t-elle un jour ?

JD

A suivre :   Les deux Sapho.

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