bienvenue à tous,

Il me revient un vers de Renée Vivien ( ma poétesse favorite ),
« Quelqu’un
Dans l’avenir
Se souviendra
De nous… »
Cette strophe résume aisément le sujet d’ « histoirecenthistoires ».
L’intérêt porté, par nos contemporains, aux vedettes actuelles occulte
bien souvent le souvenir des célébrités d’autrefois.
Tranquillement, peu à peu, le temps et les hommes ont effacé leurs empreintes de nos mémoires.
Retrouver leurs traces, se souvenir d’elles, est la pensée de ce blog.
J’affectionne aller reconnaître les catacombes du passé, où dorment ces héroïnes et ces héros.
J’aime questionner les ruines des lieux où leurs cœurs battirent. Je m’émerveille de voir ces endroits abandonnés, pourtant magiques, se ranimer, au premier accent du rêve, et retrouver tout leur éclat ancien.
Je vous invite à partager avec moi, ces rêves, ces enchantements, par des textes, de la poésie, des images et des récits de voyages.
C’est à une « odyssée » que je vous convie.
Embarquons alors et voguons !
J .D.

mercredi 5 octobre 2011

Portugal 1910, la fin d'une monarchie, 2ème partie

Les dernières heures.


D. Manuel II

16h 30, sonnent à l’église de Mafra.  Le roi Manuel II envoie ce télégramme au président du Conseil des ministres à Lisbonne : «  Bien arrivé, désire nouvelles – Manuel ».

A 18h, dans les couloirs des appartements royaux Manuel rencontre l’administrateur du Conseil de Mafra.  Il lui demande s’il a connaissance de faits nouveaux concernant la situation à Lisbonne.  L’administrateur répond négativement, aucunes nouvelles ne lui sont encore parvenues de la capitale. 

Pour protéger ce jeune roi de vingt ans, de nombreux habitants de la cité se pressent aux portes du palais.  Parmi eux, cartouchières croisées sur la poitrine, à la manière mexicaine, le fusil entre les mains et le chapeau melon sur la tête, le pharmacien Albilio Simoes.

A 18h55, un télégramme arrive de Sintra : depuis 18h les lignes télégraphiques sont coupées avec Lisbonne.

Vers 19h, parti de Sintra, dans une voiture prêtée par la marquise de Val-Flor, Joao de Azevedo Coutinho, adjudant de camp de Manuel débarque à Mafra.  Sans perdre de temps, il expose au roi un plan de campagne.  «  Le mieux, dit-il,  est que votre majesté ordonne de faire venir par ici, toutes les forces qui sont stationnés au pied du palais de la  Pena à Sintra, pour les joindre à celles qui défendent Mafra  et constituer de cette manière un noyau de résistance.  Par chance, l’escorte qui accompagnait votre Majesté n’est pas loin, elle grossira cette troupe ».
Le roi approuve la proposition et déclare : « Je vais à Porto, je vais à Porto ».

Aussitôt, Azevedo Coutinho ajoute :

«  Monseigneur, Votre Majesté ira de régions en régions. Elle lèvera et réunira  des forces avec lesquelles  elle pourra établir une base pour les opérations futures.  S’il est possible, comme je le crois, que l’on peut stabiliser la situation à Porto. Tant mieux.  A défaut il faut se retirer plus loin,  à Valença do Minho.  Et de faire de cette ville le point d’appui pour la reconquête. »

Palais de la Pena, Sintra

Le roi entérine ce plan.  « J’ai confiance en vous, Joao, et en vos conseils. Je pars pour Porto » dit le souverain qui ne règne que depuis deux ans.

Le soir, vers 19h50, arrive de Sintra, D. Amélia, mère de Manuel.  La reine apporte le décret de suspension des garanties (déclaration de l’état de siège). Manuel doit le signer.  Il se repose, elle le réveille.

Vingt minutes plus tard, un télégramme part de Mafra – « Urgentissime – Président du conseil – Lisbonne - signé décret – demande nouvelles – ici bien – Manuel. »

Le cadran de l’horloge marque 20h20, quand un télégramme envoyé de Lisbonne informe le roi : « … la révolte a été matée, les révolutionnaires sont cernés dans le haut de l’avenue de la liberté … »

Quelques minutes après, arrive un autre message télégraphié de Lisbonne : « A sa Majesté le roi – Mafra – à cette heure, je peux informer votre Majesté que les révoltés ne peuvent plus sortir du haut de l’avenue de la liberté, où ils se sont rassemblés – baisers respectueux à votre Majesté – Président du conseil des ministres »

A 21h, le roi répond : « Urgentissime – Président Conseil – Lisbonne - grand remerciement pour votre télégramme - demande de pouvoir avoir des nouvelles plus détaillées, aussi sur les navires et marins – ici bien – que Dieu aide – bien affectueusement – Manuel ».

Entre-temps, plus d’une centaine de personnes de toutes classes, la majeure partie armée montent la garde autour et dans le palais.  Des policiers, des civils, des notables et des fonctionnaires composent cette troupe.

D. Amélia

21h01, la reine D. Amélia envoie successivement trois télégrammes à Sintra.  Le premier est adressé à la grand-mère de Manuel, la reine Maria Pia :
« – Manuel le mieux possible – baiser – Amelia ». 
Le deuxième contient une demande d’information : « urgent – Comte Figueiro – Victor – Sintra – roi meilleur possible – inquiétude - parlent d’agitation Sintra - suis dans l’attente d’une réponse - demande pour prendre décision retour ou non - non étonné si retard – souvenirs – Amelia ». 
Le dernier, écrit en français, est destiné aux services du palais : « Kerausch – Pena – Sintra – roi le mieux possible - attendez pas pour dîner – Amélie ».

La reine a décidé de partager le dîner de son fils.  Amélia a choisi de ne pas laisser Manuel seul, en ces instants terribles.

21h15, la famille et les proches se réunissent dans la salle à manger.  Malgré l’abandon des serviteurs acquis aux idées républicaines et à la révolution, le roi reste constant.  Manuel fait honneur au repas confectionné par la gouvernante de la famille, Dona Francisca de Mota de Pindela.  Le menu se compose d’un bouillon de poule au riz, de perdrix rôties, de petits pains accompagnés d’œufs  et pour dessert, du riz au lait.

21h30, arrivent en voiture, Joao Velez Caldeira et Antonio Waddington.  Le comte de San Lourenço, fils de Sabugosa, répand une bonne nouvelle.  Le comte affirme que les révolutionnaires sont arrêtés et la révolution étouffée.

Vers 21h50, débarquent à Mafra, le lieutenant de la police spéciale du roi, Feijo Texeira et le commandant du régiment des Lanciers n°2, stationné à la Pena.  Surgissent encore, le sous-lieutenant Dom Fernando Pereira Coutinho et dix cavaliers.  A marche forcée, presque toujours au galop, armés de lances, de sabres, de carabines et revêtus de l’uniforme de combat, ils viennent défendre Manuel. Tous agissent volontairement.  Ce renfort trouve un logement à l’école d’infanterie et leur chef à l’hôtel Castro.

22h45, la table desservie, la reine D. Amelia après avoir embrassé son fils, rentre à Sintra.

23h30, Des nouvelles encourageantes et rassurantes sur la situation à Lisbonne parviennent à Mafra.

Le mercredi 5 octobre.

A minuit,  le roi rejoint ses appartements. Quarante-cinq minutes plus tard, la reine Amélia arrive à Sintra où le calme règne.
A 01h, Manuel passe une chemise de nuit et se couche. 

Mafra, la dernière garde

La garnison de l’école militaire monte la garde devant les arcades sud du palais.  La galerie qui conduit à la porte du roi est protégée par un grand nombre d’hommes en armes.  La tour sud est occupée de l’intérieur par des civils armés.

A 02h40, un télégramme expédié de Cascais arrive à Mafra : « Adjudant de service – Mafra – yacht Amelia en danger d’être saisi par les révolutionnaires à Lisbonne a jeté l’ancre à Cascais - attends ordre de sa Majesté le roi – Moreira de Sâ ».

A 04h00, le monarchiste, Martins da Rocha, propriétaire des mines de Sao Pedro da Cova, rejoint le palais de Mafra.  Il arrive de Porto.

A 05h00, l’administrateur du Conseil à Mafra, Batista Junior télégraphie au gouverneur civil de Lisbonne.  Il lui demande des nouvelles sur les « événements de ce jour qui sont sincèrement déplorables ».  Batista veut pouvoir rassurer la population.

Mafra, la dernière nuit

Vers 07.00, Manuel II se réveille.  Il ne sait pas encore qu’il vient de passer sa dernière nuit sur le territoire portugais.  Un peu avant, Joao de Azevedo Coutinho est parti pour Sintra.  Il veut convaincre les deux reines de quitter le palais de la Pena.  Coutinho souhaite qu’elles s’installent à Mafra, qu’elles se tiennent aux côtés du roi.  

Pour encore renforcer la protection du roi, arrivent de Sintra, un détachement de lanciers, des chasseurs, 6 agents de police judiciaire et 16 gardes de corps de la police civil de Lisbonne. 

A présent, le jour se lève, et, d’une fenêtre de ses appartements, Ayres de Sâa observe le va-et-vient des soldats devant la poudrière.  Soucieux, le bibliothécaire, se dit que jamais, il n’avait connu un tel dispositif.  La situation, pense-t-il, est vraiment grave, très grave.

A suivre…
 
Le palais de Mafra

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