bienvenue à tous,

Il me revient un vers de Renée Vivien ( ma poétesse favorite ),
« Quelqu’un
Dans l’avenir
Se souviendra
De nous… »
Cette strophe résume aisément le sujet d’ « histoirecenthistoires ».
L’intérêt porté, par nos contemporains, aux vedettes actuelles occulte
bien souvent le souvenir des célébrités d’autrefois.
Tranquillement, peu à peu, le temps et les hommes ont effacé leurs empreintes de nos mémoires.
Retrouver leurs traces, se souvenir d’elles, est la pensée de ce blog.
J’affectionne aller reconnaître les catacombes du passé, où dorment ces héroïnes et ces héros.
J’aime questionner les ruines des lieux où leurs cœurs battirent. Je m’émerveille de voir ces endroits abandonnés, pourtant magiques, se ranimer, au premier accent du rêve, et retrouver tout leur éclat ancien.
Je vous invite à partager avec moi, ces rêves, ces enchantements, par des textes, de la poésie, des images et des récits de voyages.
C’est à une « odyssée » que je vous convie.
Embarquons alors et voguons !
J .D.

mardi 28 juin 2011

Robespierre chez les Duplay


La prise de la Bastille.

Le 14 juillet est proche. C’est toujours une occasion pour faire un rapide plongeon dans l’Histoire de la Révolution de 1789.  Celle de la déclaration universelle des droits de l’homme.  L’un de ses enfants, Maximilien de Robespierre, ne laisse personne indifférent.  L’homme incarne à la fois la République et la Terreur. On l’aime ou on le déteste.  Pour un temps, maître de la France, il vécut et travailla, dans une toute petite chambre.  Pourquoi cet homme si puissant se contenta-il d’un endroit si simple ?  Descendons dans les profondeurs !

Derrière la façade de l’immeuble portant le numéro 400 de la rue Saint-Honoré à Paris, se trouvait la chambre qu’occupa Robespierre chez le menuisier Duplay.  Dans cette modeste chambre de la rue Saint-Honoré, sont passés tous ceux qui comptaient à la Convention, dans les comités révolutionnaires.  Que d’idées généreuses, mais aussi de drames sortirent de ces quatre murs.  De là, pendant la Terreur, partirent les ordres qui alimentèrent la guillotine.


maison Duplay.
La maison à l’époque se composait de trois bâtiments distincts, l’un en façade sur la rue Saint-Honoré, l’autre au fond d’une cour, le troisième, sur la gauche, très étroit, unissait les deux autres.   Sur la rue Saint-Honoré, la maison s’ouvrait par une grande porte cochère qu’encadraient deux petites boutiques, louées l’une à un bijoutier, l’autre à un restaurateur.  Le devant était occupé par la sœur de Robespierre et son frère cadet Augustin.  La maison du fond, était occupée par les Duplay, propriétaires des lieux.  Dans l’étroit bâtiment longeant la cour, à l’étage se trouvait la chambre de Robespierre.  La chambre, petite, s’éclairait sur la cour par une seule fenêtre.  Le mobilier était des plus simples : un lit de noyer avec des rideaux en damas bleu à fleurs blanches taillés dans une vieille robe de Madame Duplay, un très modeste bureau, quatre chaises de paille et un casier de bois blanc passé au brou de noix, qui servait de bibliothèque.  Dans la cour, alimentée en eau par une fontaine, un petit jardin mettait une note gaie devant la fenêtre.

Robespierre.
Le hasard, semble-t-il, fit de Robespierre l’hôte et l’ami de Duplay.  Un jour de 1791, après la fusillade du Champs-de-mars, l’émeute grondait.  Maximilien était menacé. Ses amis jugèrent prudent de ne pas le laisser rentrer chez lui. Ils le conduisirent dans la maison d’une famille de patriotes, les Duplay.  Le père n’était pas un inconnu pour le tribun.  Jacobin convaincu, Duplay participait souvent aux réunions du club.  La simplicité de cette famille séduisit beaucoup Robespierre.  Maximilien avait des mœurs simples.  Le danger passé, il retrouva son domicile. Vivant seul, il avait apprécié la vie de famille.  Ainsi, prit-il quelques fois le chemin de la rue Saint-Honoré.  Bientôt, cédant aux demandes insistantes de madame Duplay et de son mari, il s’installa définitivement rue Saint-Honoré.  Il posa comme condition que nul ne se dérangerait pour lui.  Il choisit lui-même, au premier étage de l’étroit bâtiment, une petite chambre inoccupée.

L’homme qui faisait trembler la Convention, qui fut un moment maître de la France, ne songea jamais à quitter la pauvre chambre.  Il travaillait devant un casier de bois , dormait sous le rideau fait dune vieille robe.  Comme secrétaire, il employait Simon, mutilé de Valmy et fils de son hôte.

Robespierre menait, rue Saint-Honoré, une existence parfaite.  Madame Duplay le gâtait considérablement.  Les filles de la maison l’admiraient.  Pour les jeunes filles, le Jupiter descendait volontiers de son Olympe. Il se comportait avec elles comme un frère.  Il leur récitait des vers classiques, leur exposait les hauts faits des héros de l’antiquité, leur expliquait les bons auteurs.  Parfois, quand il faisait beau, la petite troupe se rendait à la campagne, le plus souvent à Meudon. On déjeunait joyeusement sur l’herbe.  Maximilien profitait de ces moments-là pour expliquer  la Botanique aux jeunes filles.

Eléonore.
Robespierre se sentait attiré par la plus âgée des sœurs, Eléonore.  Elle partageait ses idées.  Il appréciait son caractère ferme et droit, son cœur généreux et fidèle.  De son côté, Eléonore adorait Maximilien ; il était son dieu.  La jeune fille était persuadée, que le Tout-Puissant l’avait envoyé pour punir les partisans de l’ancien état de choses et pour assurer le bonheur de la France.  Maximilien se laissait adorer par Eléonore et semble bien l’avoir aimé.

Danton, amusé par ce qui se passait chez Duplay, et jamais en retard d’un bon mot, disait, de la maison de la rue Saint-Honoré : « c’est le temple du rabot et du ragot ».  Il avait surnommé Eléonore  : Cornélie Copeau. Danton faisait là, allusion à la mère des Gracques et au père Duplay.

Au fur et à mesure que l’étoile de Robespierre montait au firmament révolutionnaire, les moments consacrés à l’intimité devenaient plus rares.  Nombreux étaient les visiteurs qui venaient à leur tour, adorer, se disputer la bienveillance ou solliciter les faveurs du dieu d’Eléonore.
Chaque jour, devant le porche de l’habitation familiale, les curieux guettaient Robespierre.  A côté de l’entrée, le petit restaurant ne désemplissait jamais.  Le patron, reconnaissant, avait placé dans sa vitrine un buste de Robespierre.

Grisé par le succès, par le soutien du peuple et les applaudissements des Jacobins, Robespierre, montait vers le sommet de la puissance. Son ascension vers les cimes du pouvoir, où il entendait arriver seul, accumulait autour de lui des colères et des rancunes.  Hébert et Danton guillotinés, Marat assassiné, Robespierre restait le seul homme fort de la Révolution.  Il incarnait, à lui seul, la République et la Terreur.  Il s’éleva jusqu’à cette fête de l’être suprême. 

La fête de l'Etre suprême.


Les incidents qui s’y produisirent devaient être pour lui un avertissement.  Des murmures, désavouant son action, lui étaient parvenus. Il n’en tint pas compte.  Il fit, dès le lendemain, expulser du club des Jacobins, plusieurs de ses collègues.  Ce qui, à cette époque, équivalait à une condamnation. D’autres, depuis quelques temps, se savaient condamnés. Des listes circulaient.  certains députés n’osaient pas rentrer le soir chez eux.  La peur unit tous ces hommes.  Chacun était déterminé à sauver sa tête. 
Un soir, à Nanterre, au cours d’un souper chez Madame de Saint-Brice, Tallien, Barras, Fréron et quelques autres jurèrent, sur une bouteille de champagne,  la mort du Tyran.

Chez les Duplay, l’agitation était grande ; on sentait arriver l’orage.  Un matin, Eléonore avait découvert sur un hangar, cette inscription vengeresse : assassin de Danton, la mort te guette.  Elle s’était empressée de l’effacer.  Le lendemain, les murs de la cour, les hangars et jusqu’à la porte de la salle à manger s’ornaient de grossières images de la guillotine encadrées de cette formule : Elle t’attend !

Dans sa chambre, Robespierre ne décolérait pas et répétait ce qu’avait dit Danton : « ils n’oseront pas », ajoutant : « je les briserai. ».

Le 9 thermidor An II , frisé et poudré, vêtu d’un habit de soie violet et de culotte de nankin, vers dix heures, Maximilien traversa lentement la cour de la maison.  Toute la famille l’accompagnait.  Un petit peloton de gardes du corps l’attendait sur le trottoir.  Près de la porte cochère, Eléonore l’arrêta.  Elle redressa les plis de sa cravate.  Le père Duplay lui serra la main et lui dit : « Maximilien sois prudent ».  Il ne répondit pas et les quitta pour gagner la rue.  Il serra des mains tendues.  Puis, encadré par ses gardes, il s’éloigna.  Après quelques pas faits en silence, Maximilien s’arrêta brusquement.  Il se retourna et esquissa un geste amical aux Duplay restés devant le portail.  Il ne devait plus les revoir. 

Il fut arrêté le même jour et condamné dans les circonstances dramatiques que l’on connaît.

Arrestation de Robespierre.
Robespierre blessé.


La charette des condamnés.
Il revit pourtant, une dernière fois la maison.  Cette maison où s’était écoulé le meilleur de sa vie, où, puissant déjà, il avait rêvé de devenir plus puissant encore, où il avait aimé, peut-être.  Il la revit du fond de la charrette qui le conduisait au supplice.
Lorsque le triste cortège arriva devant la demeure, il s’arrêta.  La foule avait exigé cette halte.  La façade avait été badigeonnée de sang de bœuf.  L’Incorruptible contempla la maison, puis ferma les yeux.  On l’injuriait, mais sans doute n’entendait-il déjà plus.  Une demi-heure plus tard, sa tête tombait.


l'exécution.


Cinquante jours étaient passés depuis la fête de l’être suprême.  Entre le Capitole et la roche Tarpéienne…

On arrêta les Duplay.  La mère, emprisonnée à Sainte-Pélagie, parmi les femmes, fut retrouvée pendue.  Il n’y eut jamais d’enquêtes.  Le père et le fils furent rapidement libérés. Eléonore, sa jeune sœur Elisabeth et le bébé de celle-ci restèrent en prison.  Le père Duplay continua ses affaires.  Eléonore prit le deuil de Maximilien qu’elle ne quitta plus jusqu’à sa mort en 1832.

Elle repose au cimetière du père Lachaise, sa tombe est encore régulièrement fleurie.
« Ame virile, disait Robespierre d’Eléonore, elle saurait mourir comme elle sait aimer. »

J.D.












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