Il est en peinture, des portraits qui cachent des drames. Des histoires effrayantes que le public ne connaît pas toujours. Le portrait de Beatrix Cenci appartient à cette catégorie.
L’année 1599.
A Rome, ce vendredi 10 septembre, le peintre Guido Reni, fait le portrait d’une jeune fille. Elle a seize ans. Elle s’appelle Beatrix, cheveux blonds, visage doux et beau, regard tendre. Ses grands yeux donnent l’impression d’avoir pleuré.
C’est devant une enfant désespérée, mais forte, que se trouve notre peintre.
Demain, samedi, elle ne sera plus.
Elle vient d’être condamnée à mort. Mais pour les Romains, quoique coupable, elle est innocente.
L’histoire de la malheureuse Beatrix, je vais tenter de vous la raconter.
Commençons.
Son père, François Cenci est né à Rome en 1527. De taille moyenne, il est maigre, avec de grands yeux expressifs, aux paupières tombantes. Il a un grand nez allongé, des lèvres minces et, un sourire qui devient terrible, lorsqu’il fixe le regard sur ces adversaires. Pour peu qu’on l’irrite, il tremble considérablement.
Il voyage toujours seul, sans prévenir personne.
On n’est jamais trop prudent dans cette Italie de la Renaissance.
Selon les circonstances, quand son cheval tombe de fatigue, , il en achète ou en vole un autre. Pour peu, que le propriétaire du canasson, lui fasse quelque difficulté, il n’hésite pas à lui donner un coup de poignard. Notre François Cenci est un violent.
Comme personne n’est assez courageux pour lui résister, son grand plaisir est de provoquer ses ennemis. Si un imprudent, malgré tout, se risque à l’offenser, il envoie, quelques temps après, l’un de ses tueurs pour l’expédier « ad patres ».
Sous le Pape Grégoire XIII, tout était permis à Rome. Celui qui voulait, faisait poignarder son ennemi. La justice ne le poursuivait pas, pour peu qu’il se conduisit comme un bon père de famille. Autres temps, autres mœurs.
Notre François Cenci ne s’intéresse aux autres que pour leur marquer sa supériorité. Il se sert des gens qu’il achète, les autres il les déteste. Il lui faut avant tout, des plaisirs qui soient des dominations, et qui puissent être vus par tous.
Il Signor François aime montrer et se montrer.
Ce diable d’homme jouit d’une grande fortune et de la confiance du Pape. Avec ça, il n’a rien à craindre, ou presque rien.
On commença à parler de lui, à Rome, en raison de certains amours singuliers. On murmurait qu’il était avide de bizarreries qui lui donnaient des sensations nouvelles et inquiétantes. Sensations que n’aurait pas renié le Tibère de Capri.
Pendant le règne de Grégoire XIII on jasa encore plus sur François Cenci. Il avait épousé une jeune femme riche, qui mourut après lui avoir donné sept enfants. Après sa mort, il épousa en seconde noces, la Signora Lucrèce Petroni, une belle femme aux formes arrondies.
Emprisonné trois fois, pour ses amours infâmes, le moindre de ses vices. Le citoyen Cenci s’en tira parfaitement. Il paya très cher, les personnes en faveur auprès du Pape, pour le faire libérer.
Il fit bâtir dans la cour de son palais, une chapelle. Ce ne fut pas, par religion ou par repentance. Ce triste personnage ne croyait pas en Dieu. Il la fit édifier, avec le désir singulier d’avoir sous ses yeux les tombeaux de ses enfants qu’il haïssait sans raison apparente. « C’est là que je veux les mettre tous »
Peu après, Il envoya, en Espagne, ses trois fils aînés, étudier à l’université de Salamanque. Une fois qu’il y furent, il prit un malin plaisir de les laisser sans un sou. Les malheureux jeunes gens furent obligés d’abandonner leurs études et de revenir à Rome, en mendiant.
A Rome, ils trouvèrent un père plus autoritaire, plus insensible, plus avare que jamais. Malgré sa richesse, il prétendit ne plus subvenir à leurs besoins. Ces malheureux furent forcés d’avoir recours au pape qui obligea François Cenci à leur verser une rente. Avec cette médiocre pension, ils se séparèrent de lui.
Enragé, le père Cenci maudissait ses fils à chaque instant. Pour se venger, l’indigne accablait de coups de bâton ses deux pauvres filles. La plus âgée parvint à faire présenter une supplique au pape. Elle conjurait sa sainteté de la marier ou de la placer dans un monastère. Clément VIII, on avait changé de Pape entre temps, eut pitié et la maria.
A ce nouveau coup imprévu, François Cenci montra une extrême colère, et pour empêcher Beatrix de suivre l’exemple de sa sœur, il la séquestra. Elle avait à peine quatorze ans. Déjà belle, Beatrix avait une gaieté, une candeur et de l'humour. Personne n’eut la permission de la voir. Son père lui portait lui-même ses repas.
Pour pouvoir persécuter sa fille, il lui parlait souvent de la perfidie de ses frères et de sa sœur aînée, et, la colère montant en lui, il finissait par battre l’enfant qui n’était responsable de rien.
Sur ces entrefaites, deux de ses fils furent tués. Il en fut content. A cette occasion, il montra toute sa haine pour ses enfants. Il ne dépensa rien, ou presque, pour leurs funérailles. Il déclara qu’il ne serait heureux que lorsque tous ses enfants seraient enterrés et qu’il incendierait son palais pour fêter cela. Ces propos scandalisèrent le peuple de Rome.
Toutes ces excès, bientôt, ne lui suffirent plus. Il lui fallait plus, aller plus loin encore dans la monstruosité. Sa femme et sa malheureuse fille furent alors, les victimes de ses idées infâmes. Un véritable calvaire les attendait.
François eut la pensée la plus abominable qu’un père puisse avoir pour son enfant.
Beatrix était déjà grande et belle. Il voulut la forcer.
Il usa de menaces et de violences pour la déshonorer. Sans aucun respect pour elle, il se plaça dans son lit. Après, il se promena , complètement dévêtu , avec elle, dans les grandes salles de son palais. Ensuite, il l’entraîna dans le lit de sa femme.
Il obligea la pauvre Lucrèce à regarder les outrages qu’il faisait subir à Beatrix.
Ce monstre lui raconta que lorsqu’un père connaît sa propre fille, les enfants qui naissent sont nécessairement des Saints, et que tous les grands Saints de l’église sont nés de cette façon.
Visiblement, cet blasphémateur ne craignait pas l’inquisition. D’autres avaient été brûlé, seulement pour un juron.
Lorsque Beatrix le repoussait, il la frappait avec rage. N’en pouvant plus, elle suivit l’exemple de sa sœur. Elle adressa au Pape, une prière, qui s’égara...
François Cenci, informé de cette tentative, redoubla de violence envers les deux malheureuses. Leur vie devint insupportable, leurs souffrances intraduisibles. Elles ne pouvaient plus compter sur la justice du Pape. Désespérées, elles prirent, une décision terrible qui allait engager leur destin et celui de François Cenci.
(à suivre)
Beatrix Cenci.
(Des yeux qui ont pleuré.)
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